Spintronique : technologie disruptive (Le Monde, blog Sciences2)

Le blog Sciences2 du journal Le Monde du 23 avril 2020

La nouvelle nous vient de la revue Nature de ce matin. Où une équipe française annonce une rupture énergétique en micro-électronique. Et plus exactement en spintronique, la technologie des mémoires de vos téléphones portables et ordinateurs qui a valu son prix Nobel de Physique à Albert Fert en 2007, Les physiciens ont trouvé une solution totalement nouvelle qui divise par 1000 l’énergie nécessaire pour lire une information stockée par le spin des électrons.

L’équipe française signataire de l’article de Nature ce matin a fait fort. On le perçoit en lisant le commentaire que la revue a ajouté à la publication scientifique. Elle s’attaque en effet à ce qui semblait être un mur s’opposant à la poursuite de la miniaturisation et surtout la diminution de la consommation d’énergie des équipements informatiques depuis 60 ans. Celle qui fait que votre téléphone portable est des milliers de fois plus puissant que les ordinateurs qui ont permis la conquête de la Lune par la Nasa. La consommation d’énergie des dispositifs de lecture des mémoires par la spintronique – on utilise le « spin » des électrons et non leur charge électrique pour stocker une information binaire – semblait en effet avoir atteint une limite physique indépassable, car la miniaturisation des composants semblait difficile à poursuivre. Mais les physiciens ont contourné ce mur. En allant chercher une technologie complètement différente avec des matériaux ferro-électriques qui stockent l’information sans consommer d’électricité et peuvent être lus par un minuscule courant électrique. Il y a bien sûr encore beaucoup de chemin à parcourir pour que cette découverte inattendue – elle aussi – se transforme en technologies déployées à grande échelle dans les matériels informatiques, mais son potentiel d’économie d’énergie semble important.

Rupture et prudence

Ces (…) recherches, dont la caractéristique commune est qu’elles ont débouché sur des découvertes imprévues, ont partie liée avec un débat public et politique ardu. Peut-on y arriver sans ruptures technologiques ? On : l’Humanité. Y : répondre à nos besoins sans bousiller le climat, la biodiversité et épuiser les ressources naturelles… c’est à dire sans détruire l’environnement de nos descendants. Ruptures technologiques : des sauts en efficacité énergétique, usages des ressources naturelles, technologies propres allant au delà des améliorations déjà possibles par les moyens existants.

La prudence conduit souvent à ne pas compter sur de telles ruptures. Une prudence guidée par l’idée que la Nature ou notre capacité d’invention ne recèlent peut-être pas de solutions aussi efficaces que celles dont nous aurions besoin. Et donc de tabler uniquement sur la sobriété et l’amélioration graduelle des technologies actuelles. Mais il est manifeste que cette voie sera très difficile. Voire impossible si l’on considère les besoins immenses et non satisfait des plus de 3 milliards d’êtres humains qui n’émettent que 10% des émissions de gaz à effet de serre du total émis par l’Humanité. Et si l’on ne peut faire de paris sur ce que pourrait nous apporter la recherche de base, il semble bien que donner les moyens aux scientifiques d’explorer de nouvelles pistes soit, curieusement, une attitude… plus prudente que celle qui conduit à ne pas en espérer de résultats majeurs, générateur de ruptures imprévisibles.

Le Blog Sciences2 du 23 avril 2020


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